J’ai longtemps cru, il m’a longtemps fait croire, que je n’étais pas une femme battue.
Il m’aimait, il m’aimait trop et mal et notre relation fusionnelle nous emportait dans les excès, il me l’a dit.
Il était bien trop sensible lui, l’homme aux poignets et aux traits fins, mon beau musicien, mon batteur, pour avoir envie de me faire du mal. Il n’avait pas envie, il ne voulait pas mais avec mon comportement, c’était inévitable, il ne pouvait pas supporter cette manière que j’avais de les séduire…tous.
Les amis se sont éloignés, je suis restée seule avec lui, seule avec ma fille aux premières loges.
Seules. Toutes les deux toutes seules avec la peur qui prend le ventre chaque soir.
J’ai vite compris qu’il ne fallait pas chercher à discuter, à me défendre ou à désamorcer ce qui se mettait en marche invariablement dès que le mélange alcool et médicaments commençait à produire son effet dévastateur. Rester dans un coin, essayer de mettre ma fille à l’écart, qu’elle aille dormir chez une copine, qu’elle reste dans sa chambre et attendre.
Attendre le lendemain. Ses regrets, sa peine, ses excuses, ses larmes et les miennes, ses bras qui devenaient mon refuge, ses promesses.
Est-ce que j’avais déjà été aimée comme ca ? Non.
Est-ce que quelqu’un d’autre pourrait m’aimer comme ca ? Jamais. Il me l’a dit.
Alors, je prenais soin de lui, le seul homme capable de m’aimer et j’étais sure qu’un jour il irait mieux. L'amour peut tout guérir.
J’ai découvert les bouffées délirantes et leur crescendo, la folie qui s’insinue dans vos jours et vos nuits, lentement, qui vous prend tout votre espace. Il n’y avait plus que lui. Lui et son malaise, lui et sa souffrance, lui et le besoin que j’avais de l’aider, de le sortir de cet enfer, pour que le mien s’arrête enfin.
Et puis, il y a les jours de doutes. Il a raison, je ne suis pas une femme battue. D’ailleurs, je n’ai presque pas de marques. Quand il me tire de mon lit par les cheveux, en plein sommeil, ca ne laisse pas de traces visibles. Quand il m’humilie, quand il serre juste assez mais pas trop, pas de traces, quand il me terrorise et que j’entends ma fille hurler, pas de traces. On est trop fusionnels, c’est ca. On est dans la démesure. C’est un écorché vif, un jazz man, et j’ai la chance de vivre avec cet homme qui m’emmène dans son univers, dans sa musique. Il y a toujours un prix à payer, toujours.
J’ai perdu le sommeil. La nuit, tellement de choses peuvent arriver. J’attendais le matin et je partais travailler, épuisée. J’ai dû quelques fois inventer des petites histoires pour une lèvre fendue, un œil amoché, mais pas trop souvent. Personne n’y a rien vu au bureau. J’étais juste fatiguée à cause de ces foutues insomnies.
Le médecin m’a prescrit un hypnotique. Un hypnotique…voilà ce qu’il me fallait. Cinq ans d’hypnose médicamenteuse pour me plonger dans le coton et ne plus rien voir ni sentir. Tout pouvait arriver, je n’en gardais que de vagues souvenirs, parfois quelques traces. Le tiroir à médicaments nous offrait notre voyage quotidien vers le néant. J’attendais maintenant le soir avec impatience pour me plonger dans mon cocon rassurant.
Ma fille, elle, n’était pas sous hypnose. Six ans de cette vie là.
gloups. Quel a été le déclic de ton départ ?
Rédigé par : insom-gniaque | 02 janvier 2008 à 14:29
Une rencontre qui m'a insuflée l'énergie et le courage. J'ai bravé mes peurs, je me suis réveillée. J'ai vu dans les yeux d'un autre que ce n'était pas vrai, que l'on pouvait m'aimer. L'anesthésie c'est lentement dissipée, je suis revenue à la vie.
Rédigé par : Cathy | 02 janvier 2008 à 14:34
j'ai d'abord cru que tu relayais un témoignage, alors j'ai cherché un lien... en vain. Ben voilà, quoi, je te fais juste un bisou et te remercie pour ta sincérité et ce texte touchant.
Rédigé par : Anaïs | 02 janvier 2008 à 20:06
@Anais: le seul lien existant est celui, ténu, avec la vie... en l'occurence la mienne. Merci à toi.
Rédigé par : Cathy | 02 janvier 2008 à 20:41
Cathy,
Juste un mot pour te dire que j'ai lu ce commentaire courageux. Pour moi, et de ce que je découvre avec plaisir sur ce blog depuis le début, tu es une fille géniale, sincère, intelligente, créative qui mérite d'être connue. A bientôt Pierre
Rédigé par : pierre | 03 janvier 2008 à 10:27
C'est bien d'arriver à écrire ce témoignage. Tout le monde à tendance à catégoriser les femmes qui se laissent battre pour des filles pré-configurées pour ça et pas très "fute-fute"
Cath aussi avait publié un texte qui m'avait beaucoup touché et je n'avais pas su quoi lui dire. Je me rattrape avec toi, c'est bien écrit, c'est juste, c'est beau, c'est moche et c'est fini alors, c'est bien.
Bises chaleureuses de l'autre côté de la france.
Rédigé par : Miss Rainette | 03 janvier 2008 à 13:47
@Bénédicte: merci, tu as tout à fait raison. Ce problème touche toutes les femmes et tous les CSP (comme ils disent) confondues. On n'est pas formatées pour ca, ca arrive c'est tout. Et ensuite, l'emprise est indescriptible, les ravages dans la tête quasi irréparables, la culpabilité, la honte, tout y passe.
C'est fini pour moi...ca continue pour d'autres
J'aime bien les bises qui viennent de loin;)) Hop, ca repart dans l'autre sens!
Rédigé par : Cathy | 03 janvier 2008 à 13:59
Merci pour ce billet, que j'ai lu avec...émotion...c'est du vrai et du bien écrit...pour moi, c'est important
Il n'y a pas que la violence physique ...il y a aussi la violence "morale" qui fait qu'on se rend volontairement(??) dépendante d'un homme qu'on croit aimer
J'ai aussi beaucoup apprécié ton billet sur les blogeuses célèbres mais vides...
Mais pourquoi des gens restent-ils accrochés de la sorte à du vide?
Bon c'est pas de la jalousie hein! j'ai mon compte...
Bonne année à toi
Rédigé par : Coumarine | 03 janvier 2008 à 14:08
Bonjour Cathy,
Tout ce qui a une date arrive Cathy. Il fallait bien qu'elle sorte un jour de toi, cette histoire.
Mais le plus important, sans doute, est que tu termines ton propos sur un immense regret, un peu comme si tu demandais pardon à ta fille. Je ne sais pas si elle le lira, je crois que ce serait bien et j'espère qu'il y aura un dénouement heureux à tout cela. La route est bien longue et ce serait dommage de ne pas tout entreprendre à cette fin.
Aussi je voulais te dire ma conviction qui est que c'est très bien ce que tu as fait aujourd'hui. C'est rare, c'est fort, c'est sans doute salutaire, mais c'est surtout très juste d'avoir fait l'effort d'emprunter ce chemin-là.
Je ne peux donc t'engager, maintenant que le temps a passé et permet précisément de porter un regard lucide sur le passé, à persévérer dans cette exigence de vérité car l'enjeu n'est pas tant le passé sur lequel on ne peut rien que l'avenir qui reste à inventer.
Tu as déjà eu les bises de ma copine la rainette de Bordeaux, je ne vais pas en rajouter, mais je n'en pense pas moins, tu le sais bien.
Bien à toi, amicalement, Marcus
Rédigé par : Marcus | 03 janvier 2008 à 16:46